Il n’est pas interdit de rêver

Y avait comme un air différent ce matin. Je ne saurais pas dire quoi exactement, mais je l’ai senti tout de suite en me réveillant. Une forme de douceur dans l’air. Jusque là, rien d’anormal. C’est le Printemps. Et puis c’est un truc que je trouve important à la maison. De commencer la journée en nous faisant un câlin. En nous saluant poliment. On se demande si on a fait des beaux rêves. Ensuite, on rêvasse en petit déjeunant. Mais déjà en prenant ma douche et en écoutant France Inter à la radio j’ai commencé à me dire que quelque chose clochait.

C’était l’heure de la chronique de Nicole Ferroni. Jusqu’à ce matin ses chroniques étaient plutôt engagées et énervées. Faut dire qu’avec ce qu’on vit depuis des mois y a matière à. Sa chronique sur la guerre en particulier m’avait fait pleurer. Comme beaucoup de français.

Mais là, je ne sais pas, j’étais sous la douche. Je n’ai pas tout écouté. Mais je sentais à sa voix, qu’elle était apaisée. Au moment ou j’ai éteins elle saluait les auditeurs en disant qu’elle arrêtait. Qu’elle son rêve ça avait toujours été autre chose que de commenter les calamités de l’actualité et qu’aux vues de la situation maintenant, elle allait le poursuivre sans plus attendre.

Avec Z&lie on s’est habillées. Je me suis tapée un four rire parce que comme on avait fini de petit déjeuner assez tôt je lui ai dit:

-Et si on rangeait ta chambre ce serait pas une idée ça?

Et elle m’a répondu: Ah oui ce serait une idée. Mais elle est pourrie.

J’en rigole encore.

J’ai essayé de ne pas la bousculer. Comme j’essaye de le faire tous les matins. De ne pas lui mettre la pression, avec mon temps d’adulte.

Pas de Dépêche-toi. De toutes façons, depuis que je suis redevenue maître de mon temps, plus personne ne m’attend en jetant un œil à l’horloge quand j’arrive. Parfois, un Gens du Magasin de MOTS m’attend devant la porte, si je suis un peu à la bourre mais y a jamais de reproche. En général,il comprend.

Quand on est arrivé devant l’école, après que Z&lie m’ait expliqué qu’elle a des ailes de dragons sous les bras. (Oui, elle est obligée de m’expliquer parce que même si j’essaye de garder mon coeur d’enfant y a des trucs avec mes filtres de grand, je ne les vois plus).

En arrivant devant l’école une fois encore, j’ai trouvé que ça n’était pas comme d’habitude. La porte était grande ouverte. Contrairement aux autres matins, personne ne filtrait l’entrée. La directrice était en train de planter des plants de tomates dans le bac en terre dans la cour. Les enfants jouaient dans la cour au lieu de rentrer directement en classe.

Y avait un coin en bordel dans la cour. Avec des planches, des marteaux, des clous, des cordes, des bouteilles d’eau et un tas d’autres trucs qui allaient sûrement devenir une montgolfière, un bateau, une boutique en fonction des moments de la journée et des enfants qui allaient y jouer.

Les portes des classes étaient ouvertes et les enfants étaient installés là où ils avaient l’air d’avoir envie d’être. Sans ordre apparent. Mais ils étaient tous accaparés par une activité et hyper concentrés. Comme chaque matin on a rigolé avec la maîtresse. Elle me dit:

-VOUS faut que je vous parle.

J’aime pas quand elle dit ça, j’ai toujours l’impression que j’ai fait une bêtise. Elle me dit:

-Alors comme ça: il ne faut pas que la méchante dame elle passe? Et elle éclate de rire.

J’ai rigolé. Elle m’avait prévenu qu’au moment des élections, elle savait précisément ce que les parents avaient voté. Les enfants racontent tout. Même le meilleur. Et Nous, dimanche soir avec Julien on étaient atterrés devant la télé et Z&lie s’est relevée. Alors je lui ai expliqué en termes simples qui était la grosse dame blonde à l’air méchant et au sourire carnassier.

J’ai laissé Z&lie en train de grimper aux espaliers pour faire l’aventurier et je suis partie au Magasin de MOTS.

Dans la rue c’était pas pareil. Les parents, ils n’avaient pas la barre au milieu du front comme tous les matins. Il y avait plus de petits groupes qui discutaient devant l’école que d’habitude. Ça rigolait. Ça faisait des grands gestes. J’ai essayé de me rappeler si c’était un jour férié, mais j’étais quasi sûre que non, puisqu’il y avait école.

Quand je suis arrivée au Magasin de MOTS,  j’ai allumé France inter (encore, oui je sais je suis mono maniaque de la radio mais à cette heure là il y a Augustin Trappenard, et je ne le raterais pour rien au monde (sauf pour dormir).

Je suis allée allumer toutes les guirlandes du Magasin. J’ai sorti le banc devant la porte
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et la chaise rouge qui permet aux gens qui passent de voir qu’il y a un Magasin de MOTS à cet endroit.

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J’ai remis des paillettes sur mes étoiles, parce qu’elles ne brillaient plus suffisamment. Et je trouvais qu’il était temps de les rallumer.

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J’ai mis un mot pour ne pas que les gens se collent des paillettes partout. Je ne sais pas pourquoi ce matin, j’avais le coeur léger. Très léger. Je veux dire par là, plus que d’habitude. Depuis quelques mois je sentais ma Foi en l’humanité s’étioler par moment.

Graine de FOi en l'humanité: Veux-tu nous aider à la faire grandir, pousser et s'épanouir

 

Grainede foi en l'humanité

Au fond je reste tout le temps persuadée que nous vivons des temps très noirs, mais que de ces temps très noirs va naître quelque chose de grand, de nouveau, de lumineux. Mais depuis quelques mois, je commençais à accepter l’idée qu’à l’échelle de ma vie je n’aurais pas la chance de voir cette aire nouvelle arriver. Je me consolais en me disant qu’à mon échelle et dans le temps qui m’est imparti, j’avais peut-être réussi à toucher un ou deux autres êtres humains avec mes créations. Et que ce faisant, ils avaient peut-être eux-même touché un ou deux autres êtres humains. Et si ça n’était pas le cas, je me consolais encore, en me disant que peut-être un jour, une de mes boîtes au fond d’un grenier tomberait dans les mains d’un explorateur du merveilleux qui prendrait cette graine et la ferait germer. Peut-être que de savoir qu’il y a des années, quelqu’un avait fait de la poésie un métier, permettrait à cette personne de chercher sa propre route et de se trouver.

Mais ce matin avait un goût de POSSIBLE. Je sentais dans l’air, que quelque chose avait changé.

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Toute absorbée à l’ouverture du Magasin je n’avais pas remarqué  un truc. Je n’avais vu aucune voiture sur le trajet pour venir à pied. AUCUNE. J’ai tenu l’oreille et j’ai entendu les oiseaux du Parc du Musée pépier. J’ai vu un papillon passer. Un PAPILLON passer? En pleine rue du Sergent Blandan. Vraiment ce matin, RIEN ne clochait.

Et mon impression s’est confirmée au fur et à mesure de la journée.

Tous les gens qui sont venus au Magasin de MOTS venaient pour se faire un cadeau à eux-mêmes. Ils avaient décider de faire le pas. Pour certains d’entre eux, je les croisais depuis déjà 5 ou 6 années. Et nos conversations depuis tout ce temps là, tournaient autour de nos envies. Et pour beaucoup d’entre eux, cela faisait longtemps qu’ils m’expliquaient régulièrement pourquoi ce n’était pas le moment pour eux.

Mais là, aujourd’hui, tous sans exception sont venus récupérer leur bocal. Celui que j’avais fabriqué quand ils avaient déposé leur rêve au Magasin de MOTS. Un soir au détour d’une conversation.

A 18h36, quand j’ai regardé le haut de l’étagère j’ai vu qu’il était vide.

Bocaux de rêves en cours Graine de Carrosse

 

PLUS un seul bocal.

Le REGISTRE DES rêves, lui était complet.

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Je l’ai mis dans l’atelier pour penser à en re-fabriquer un pour demain.

J’ai rangé la caisse. Rangé mon ordi. J’ai débranché chaque guirlande. J’ai rentré la chaise rouge. J’ai rentré le banc.

Je n’ai pas fermé la porte à clef.

& je suis rentrée chez moi en passant par la rue Pasteur.

Y avait des gens dans la rue. Assis sur les marches d’escalier. Ils discutaient. Fumaient une clope. S’interpellaient. en passant j’ai écouté.

-Ah tu es le voisin du deuxième! Enchanté. C’est toi qui avait besoin d’un escabeau? Si c’est le cas j’en ai un, je peux te le prêter.

-Si quelqu’un a besoin disait une fille à la ronde, je veux bien garder les chats pendant les vacances; j’aime bien ça mais je n’ai pas envie de m’engager, alors si vous avez besoin je veux bien vous les prendre une semaine. Le temps d’en profiter.

Plus loin un mec était en train d’expliquer la recette d’un plat typique de son pays. Et comme c’était compliqué, il a dit à ses voisins:

-Je vous invite mardi soir, comme ça je vous montrerai. 

C’était un truc de ouf, ce qui se passait. J’avais jamais vu ça ailleurs qu’ à la télé dans les documentaires et les films utopistes que je regardais.

Pour vérifier un truc, je suis passée par le parc Ste Marie. & là c’était un grand n’importe quoi, organisé.

Des gens étaient en train de bêcher des parcelles du parc pour faire un potager. Une bande de mecs avaient descendu leurs moutons d’une camionnette et les avait attaché en attendant que l’enclos en palette qu’ils construisaient soit terminé.

Y avait deux, trois vieux qui supervisaient et donnaient des conseils techniques avisés.

Je suis rentrée chez moi. J’ai laissé la porte ouverte et mes clefs dessus. Comme ça m’arrive parfois. Mais ce soir Julien ne m’a pas grondé. Il a rigolé.

Y avait du monde dans le jardin.

Et on avait mis des matelas dans la salon pour faire dormir une famille qui allait être régularisée sous peu et attendait juste de connaître l’adresse du logement qui allait leur être attribué.

Dans la boîte aux lettres un courrier de convocation à une assemblée citoyenne à laquelle j’étais invitée à participer ainsi que Z&lie. Parce qu’on avait compris que les enfants étaient capables de mesurer certaines responsabilités et on se proposaient maintenant de les écouter.

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Le pouvoir et l’autorité étaient devenus des trucs rigolos qu’on jouaient dans des pièces de théâtres, pour se rappeler que ça avait existé. Même si maintenant ça nous paraissait complètement désuet. Un peu comme si tout le monde avait pris conscience de cette phrase:

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& c’était dit : aujourd’hui je n’attends plus, je m’y mets. 

 

ALORS je ne sais pas ce qui c’est passé dans cette nuit de jeudi à vendredi. Mais ce que je sais que ce monde d’aujourd’hui dans lequel je me suis réveillée, me convient beaucoup mieux que celui d’hier. Je crois que je vais y rester.

& toi elle était comment ta journée?

7 réflexions au sujet de “Il n’est pas interdit de rêver”

  1. Merci Gaëlle, tes mots me font parfois rire, parfois me donnent les larmes aux yeux. Que du bonheur !!!!

  2. Merci Gaëlle, tes mots me font parfois rire, parfois me donnent les larmes aux yeux. Que du bonheur !!!!

  3. Géniale, la conversation avec le dragon. J’ai plongé. Il m’arrive d’écouter Nicole Ferroni. Les larmes sont montées sans même que je m’en rende compte. Comment mieux expliquer la guerre… Ma journée je l’ai commencée en me disant il faut que j’envoie cette carte postale. Je l’ai écrite et l’ai postée, déjà ça c’était fait. Parce que cette carte était destinée à une personne spéciale. C’est quelqu’un qui vit un rêve et qui a décidé de faire partager ça façon de voir les choses. Afin de garder son cœur d’enfants, afin d’accepter la réalité de la vie, mais vue comme quelque chose de possible, (malgré l’adversité). Ne pas baisser les bras (Gaëlle, elle n’aime pas). Déposer son rêve..oui même si on se trompe de rêve (les erreurs sont là pour nous faire avancer aussi). Et puis il y a ce petit garçon dont je m’occupe à l’école qui m’a dit les yeux dans les yeux et très sérieux : -“je ne veux plus qu’ Emma m’écrive des mots d’amours, elle m’énerve, je ne l’aime pas moi..” Trop drôle, et avant de partir je le vois prendre le dessin d’une fleur qui était sur sa table. Il passe devant moi. (et je m’étonne). Puis il fait demi-tour parce que le dessin était pour moi. Je le savais parce qu’il fait toujours comme ça. Et pour clôturer la soirée en beauté un ami m’a envoyé une photo sur mon téléphone. C’était le soleil (toujours là) malgré les nuages. C’est ainsi que l’on peut garder les pieds sur terre, tout en cherchant à garder la tête dans les étoiles. Belle journée à toi Gaëlle et à très bientôt

  4. Merci ça fait un bien fou. ..
    Et oui vos mots touchent et redonnent envie de rêver et d ‘ y croire et de s ‘ y mettre pour que les choses changent. . .
    Bonne soirée et douce nuit

  5. “Je me consolais en me disant qu’à mon échelle et dans le temps qui m’est imparti, j’avais peut-être réussi à toucher un ou deux autres êtres humains avec mes créations. Et que ce faisant, ils avaient peut-être eux-même touché un ou deux autres êtres humains.”
    C’est tellement ça… ce que je vis aussi!
    Merci pour ce partage de rêve…
    Je veux m’y mettre aussi, comme je peux!

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